mardi 25 juin 2013

Nous sommes des milliards de soeurs


Amina, jeune fille de 19 ans. Elle, toi, moi ou une autre.
Emprisonnée .Comme moi, toi, elle ou une autre: privée de sa liberté, de ses droits.
En Tunisie. Comme pour une ukrainienne torturée, une égyptienne exilée, une française violentée.
Elle, depuis le 19 mai 2013, elle, toi, moi ou une autre, depuis des millénaires dans la prison patriarquie.
Pourquoi ? Pour avoir désiré sa liberté.

Amina a écrit sur la peau de son torse :
"MON CORPS M’APPARTIENT. IL N’EST SOURCE D’HONNEUR POUR PERSONNE ". 
Puis a tagué “FEMEN” sur un muret. Elle inscrit ainsi son geste dans la conscience politique la plus humaniste qui soit: la lutte féministe.
Au vu de la domination masculine, enfermer une féministe c’est un peu comme enfermer une femme au carré; cela enferme au passage  le droit pour une femme de défendre le droit des femmes. Et nie du même coup la légitimité de la protestation.

Ne nous y trompons pas: le combat pour Amina C’EST le combat d’Amina.
Nous sommes toutes des Amina
Nous sommes toutes des tunisiennes
Nous sommes toutes des mannequins
Nous sommes toutes des égyptiennes
Nous sommes toutes des prostituées
Nous sommes toutes des ouvrières
Nous sommes toutes des ukrainiennes
Nous sommes toutes des vieilles
Nous sommes toutes des femmes voilées
Nous sommes toutes des féministes
Nous sommes toutes des femmes de droite
Nous sommes toutes des lesbiennes
Nous sommes toutes des mères.

Cela signifie que le sort de chaque femme –quelles que soient ses opinions politiques, sa personnalité, ses valeurs ou ses qualités-est lié au sort de l’ensemble des femmes.
Que cela nous plaise ou non.
La pluralité de nos vies de femmes converge dans le faisceau de notre oppression.
En affirmant qu’Amina est notre sœur, nous marchons ensemble vers notre émancipation .Comprendre l’universalité de nos parcours individuels est une des clefs à la volonté d’agir. Amina n’a pas fait le parie de sauver sa peau. La Femen Amina tente de sauver la peau de la classe des femmes. Une seule d’entre nous sacrifiée sur l’autel de leur misogynie et c’est nous toutes que nous nions. Les milliers d’entre nous laissées sur le trottoir et c’est chacune que nous prostituons.

Ils nous ont tout pris. Tout. Il ne nous reste que la lutte. Il nous reste toute la lutte. Le pari de l’utopie, c’est déjà l’utopie. Imaginons dès aujourd’hui nos existences dans les joies des solidarités révolutionnaires plutôt que dans le quotidien de nos oppressions : du travail à la rue jusqu’à la chambre à coucher. Ils nous tuent, nous violent,  nous isolent, nous briment, nous moquent, nous cassent, nous cachent, nous étouffent. Imaginons l’éclat de nos sororités, les forces jaillissantes de nos révoltes, la puissance de notre communauté, l’invention de nos intégrités.

Nos corps pornifiés , bombardés de leurs critères ,coupables toujours d’être des corps de femmes :  nos corps sont les zones de leurs droits masculins ,leurs droits font de nos corps des zones de non-droit.
En leur jetant au visage ce pour quoi ils nous accusent, on décolonise nos territoires occupés, on retrouve nos indépendances corporelles, on pulvérise la patriarquie.
La honte est dans leur regard et c’est nous qu’ils  voilent.
La honte est dans leur regard et c’est nous qu’ils pornifient.
Ils sont le voile obscène.

Nous ne serons plus jamais LEUR sexe, LEUR ventre, LEUR petites mains.
Nous reprenons à notre compte nos attributs corporels. Entendons-nous bien soeurs de chair, nous reprenons avec toi Amina, avec toi Aliaa Magda Elmahdy, avec vous Femen, l’intention de notre nudité. Nous réinventons son sens. Le sens de notre corps n’est pas le leur, il n’est pas fait pour leur plaire, ni pour se taire. Nous cessons de disparaître. Nous apparaissons telles qu’en nous-mêmes : libres, unis dans la lutte, fortes d’une bravoure sans faille, dans l’indécence de l’élan révolutionnaire. Le passage à l’acte de vos bustes affichés, c’est le renversement de l’idéologie patriarcale, c’est l’effronterie qui irradie leur domination de maîtres et arbitres, c’est l’insupportable pour leurs pouvoirs : en un instant nos corps cessent d’être leurs objets sexuels ou procréatifs et deviennent SUJETS LIBRES.

Qu’importe qu’ils se choisissent nus ou habillés. La subversion de vos torses nus politiques c’est qu’ils se CHOISISSENT. Choisissons le sens de notre corps mais choisissons la lutte pour nos corps .Ils ne sont pas libres, jamais, pas encore. Brandissons-les comme les enjeux de nos libertés ou brandissons nos libertés comme des enjeux pour nos corps. L’un et l’autre. L’autre pour l’une.

Entrons toutes en résistance contre les oppresseurs. Amina, « frêle géante », tu n’es pas seule. La marche des femmes t’emboite le pas. Des milliards de femmes seules qui se découvrent des milliards .Ta poitrine indocile devient la notre, franchissons ensemble le mur de la honte. Amina, tu es cette goutte d’eau qui annonce le torrent des moussons.

Amina, fille des Femen, Amazones insoumises, Mariannes de la révolution ,Suffragettes des droits des femmes, Jeannes d’Arc de l’insurrection, Antigones de la désobéissance civile, Indignées du capitalisme .Si tu es folle, nous sommes toutes folles . De justice.
Amina, je suis ta sœur, tu es ma mère de combat. Je ne t’abandonnerai pas, je le tiens de toi.

Nous sommes légion, la pleine moitié de l’humanité.
Un seul courage : regarder notre oppression en face. Supporter cette douleur.
Une seule stratégie : nos solidarités de femmes. Car c’est bien le monde entier qu’il va falloir soulever.  L’ubiquité de la domination masculine fait partie de son maintient. Sœurs de tous les pays unissons-nous ! L’internationale féministe sera le genre humaine ! Nous allons être des  milliards, esclaves, notre nombre sera notre liberté. Famunissons-nous !

JE ME REVOLTE DONC NOUS SOMMES FAMUNI !

Brisons ensemble le système clos qui nous enferme : LE HAREM PATRIARQUIE
Escaladons le mur de la prostitution, évitons les pièges des énoncés pervers : un féminisme chrétien, juif ou musulman sont des oxymores. La pornographie féministe en est un autre.
Devenons libres en nous libérant. Ils marchandisent nos vies.
Nous sommes les seules à pouvoir décider si la cruauté du statu quo vaut mieux que l’Aventure de notre dignité. Décidons !

FREE AMINA  j’écris ton NON

Notre première obsession, nous féministes, ne doit plus être de faire avancer la pensée féministe. Notre première obsession doit être de défaire les entraves réelles des femmes réelles que nous sommes. Nous devons embrayer le pas de l’action, aux Femen, à Amina, au gang indien des saris roses. Nous avons suffisamment pensé notre condition de femme agit par les hommes. Oui, la prison d’ Amina c’est bien la notre : sexisme, misogynie et antiféminisme. Se complaire dans le diagnostique c’est se plier à notre indignité. Les réformes ne suffiront pas, la transversalité de nos oppressions fait que le patriarcat se régénère dans sa structure même. Cette lucidité oriente la révolte.

« Etre libre et agir ne font qu’un » a pensé Hannah Arendt en femme d’action. Agissons maintenant en femme de pensées. Achevons le mouvement de libération des femmes ! Voici venue l’heure des femmes en mouvements ! La liberté au bout des seins ! Nos gestes sont auto-défense ! Arc-boutées sur nos peurs, solides et vacillantes, saisissons le rêve invincible de notre accomplissement ! Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.

Levons-nous ! Sortons ! Hurlons nos refus ! Clamons nos désirs !

Amina, ma sœur, mon âme sœur j’écris ton nom : LIBERTE

Solveig, auteure, metteure-en-scène femeniste. 26 Juin 2013.

lundi 3 juin 2013

Lettre ouverte aux directeur artistique, présidente et partenaires du Festival International d’Art de Toulouse 24 mai - 23 juin 2013


Lettre ouverte
aux directeur artistique[1], présidente[2] et partenaires[3]
du Festival International d’Art de Toulouse
24 mai - 23 juin 2013

Bustamante Jean-Marc : Affabulation comes first

Toulouse, 4 juin 2013


Qu'est-ce que la culture ? La culture des dominants.
En nommant Bustamante Jean-Marc à la direction artistique du 1er Festival International d'Art de Toulouse, Toulouse ne fait ni œuvre de créativité, ni preuve d'exception culturelle française.

L'Histoire est faite par les hommes, l'Histoire de l'art aussi : « l’Histoire de l’art » de Ernst Hans Gombrich, bestseller des ouvrages dans le domaine, ne cite aucune femme.

Au sujet des artistes femmes et hommes, Bustamante Jean-Marc a dit, dans une monographie parue en 2005 aux éditions Flammarion :

« L’homme a besoin de conquérir des territoires, la femme trouve son territoire et elle y reste; alors que les femmes cherchent un homme, un homme veut toutes les femmes (...). Les hommes sont toujours dans la recherche de territoires vierges. »

« Les hommes prennent des risques beaucoup plus grands, comme d’être détesté, d’être dans la polémique, d’être longtemps dans des champs difficiles (…). Les artistes femmes occupent des champs plus calmes. »

« Les femmes ont du mal à tenir la distance.»

« A quand des artistes femmes formalistes ? »
Passons sur les théories abracadabrantesques de Bustamante Jean-Marc quant aux relations territoriales qui seraient propre à l'un et l'autre des sexes, pour nous arrêter sur une de ses extrapolations.

Quand Bustamante Jean-Marc dit « A quand des artistes femmes formalistes ? », Bustamante Jean-Marc ne dit pas « J'ai étudié, j'ai vérifié, j'ai recoupé les sources, il n'y a jamais eu et il n'y pas d'artistes femmes formalistes ».
Quand Bustamante Jean-Marc dit « A quand des artistes femmes formalistes ? »,  Bustamante Jean-Marc réalise une performance déclarative de dominants.
Il dit : en tant que dominant, c'est moi qui décrète ce qui est et ce qui n'est pas ; en tant que dominant, c'est moi qui détiens le pouvoir de nommer ce qui existe et ce qui n'existe pas.

Par ses propos, Bustamante Jean-Marc se rend donc coupable d'obscurantisme et de révisionnisme en histoire de l'art. C'est d'autant plus grave qu'il occupe un poste d'influence en tant que professeur à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. L’assertion de telles élucubrations n’ont pas empêché sa promotion, puisqu’il a été élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur et qu’aujourd’hui, il est nommé directeur artistique du Festival International d’Art de Toulouse, pour une durée indéterminée.

Par ailleurs, le goût de Bustamante Jean-Marc pour la hiérarchie et le classement se perçoit au travers du titre de cette 1ère édition du Festival : « ARTIST COMES FIRST ». Si nous avions la bassesse de reprendre le schéma socio-psycho-biologisant de Bustamante Jean-Marc, nous ferions l'hypothèse graveleuse qu'il s'agit du retour du refoulé de l'éjaculateur précoce…Nous nous garderons bien de ce genre de divagations. En revanche, en baptisant son œuvre évènementielle « ARTIST COMES FIRST », c'est encore à une performance déclarative de son suprématisme masculiniste que se livre Bustamante Jean-Marc.

Avant que de clamer « ARTIST COMES FIRST », Bustamante Jean-Marc, nous souhaiterions que vous fassiez passer en premier : l'honnêteté intellectuelle. Car, OUI, il a existé et il existe des artistes femmes formalistes. Mais VOUS en avez décidé autrement. Par cet acte destructeur, vous favorisez la prolifération des stéréotypes les plus éculés de la barbarie machiste. Vous vous faites le chantre de l'invisibilité des femmes dans l’art. Et tout ça pour quoi ? Pour asseoir votre domination masculine. 



Nous proposons à Bustamante Jean-Marc de profiter de son séjour touristique à Toulouse pour s'instruire en histoire de l'art, en se rendant à la Médiathèque Cabanis où il trouvera de nombreux ouvrages présentant les œuvres de femmes - artistes formalistes et autres. Au pôle société et civilisation, il pourra aussi découvrir la somme des empêchements faits aux femmes pour advenir et perdurer en tant qu’artistes. Etat de l’art que Louise Bourgeois et Annette Messager ont publiquement dénoncé :
- Voyez-vous l'art comme un monde d'hommes ?
- Oui, c'est un monde où les hommes et les femmes essaient de satisfaire le pouvoir des hommes.
Louise Bourgeois, 1971

En tant que femme, j'étais déjà une artiste dévaluée.
Annette Messager, 1996
Bustamante Jean-Marc pourrait nous rendre un devoir écrit en 30 pages.

Organisateurs et partenaires du Festival International d'Art de Toulouse, en invitant et en offrant à Bustamante Jean-Marc une telle vitrine, vous cautionnez cette pensée révisionniste, vous vous rendez complices de cette vision partielle et partiale de l'histoire de l'art. En nommant et en soutenant Bustamante Jean-Marc comme directeur artistique du Festival International d'Art de la 4ème ville de France, vous rayonnez et faites rayonner Toulouse sur la scène de l'art, à la manière pro-sexiste et pro-masculiniste.

Voici donc où nous mènent toutes vos affinités électives collaborationnistes : en France, dans les filières Arts Plastiques, à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, à l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles, les femmes constituent 65% des effectifs. Mais elles ne sont plus que :
-          11% des œuvres des FRAC (Fonds régional d'art contemporain)
-          7% des œuvres du Musée National d’Art Moderne
-          5% des œuvres exposées du Musée National d’Art Moderne, le même chiffre qu’avant la Révolution française au Salon de l'Académie royale des Beaux-arts…

Grande famille de l'art, quand déciderez-vous enfin à ne plus jouer le jeu de la spéculation sexiste sur le marché de l'art !

FAMUNI, La Barbe Toulouse, Bagdam Espace Lesbien, Mix-Cité 31, Planning Familial 31, Teledebout.org, Zerose




[1] Bustamante Jean-Marc
[2] Perrin Marie-Thérèse, Association Le Printemps de Septembre
[3] Mairie de Toulouse, Préfecture de la Région Midi-Pyrénées, Conseil Régional Haute-Garonne, Région Midi-Pyrénées, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Vranken Pommery Monopole, Fondation EDF, Casino Théâtre Barrière Toulouse, Fondation pour l’art contemporain Caisse d’épargne, Les Abattoirs FRAC Midi-Pyrénées, Centre national des arts plastiques, Institut français, Théâtre du Capitole, Jeu de Paume, Philips, Château Lagrezette, Tisséo, JCDecaux, Académie de Toulouse, Le Monde, La Dépêche, France3 Midi-Pyrénées, Direct Matin, TLT